Ce livret, en trois langues, plaide pour la transmission des toponymes originaux de la Bretagne, «  un trésor à conserver » (téléchargeable ici), qu’ils soient visibles, invisibles, cachés ou oubliés. Alors qu’ils marquent l’empreinte d’une présence humaine, ils sont « (menacés), d’une part, par l’urbanisation qui remplace des anciens lieux-dits par des rues, avenues, … et, d’autre part, par la substitution des langues bretonne et gallèse par la langue française. Ce faisant les élus qui prennent ces décisions font disparaître une partie du patrimoine de la Bretagne. »

Kevre Breizh, fédération d’associations culturelles qui défendent l’identité bretonne, s’attache à la sauvegarde des toponymes sous des formes correctes en accord avec les recommandations internationales. Le but est d’inciter les gens et les communes à prendre conscience des apports de la toponymie qui peut être une activité plaisante.

Les travaux de JY Plourin, P. Hollocou et B. Tanguy montrent aussi que ce que peut être un chemin difficile, puisqu’il arrive souvent qu’on ne puisse comprendre la signification du nom officiel d’un lieu-dit sans remonter à une archive ancienne. Exemple éclairant : tous les Kerjean ne viennent pas d’un Jean, puisqu’à Pont-Scorff, il s’agit d’un ancien Kerizien (Ker + Ritgen).

De l’historique de la toponymie bretonne, on retient le poids de l’administration qui ne comprenait pas la signification de certains toponymes et ne voyait pas malice dans le fait de le remplacer ou de les déformer. S’il est fort à la mode de nommer les rues en prenant des listes de plantes ou d’animaux, cela amène à une profusion de « rue des Anémones » et de rue des Hirondelles », tandis que de plus en plus de lieux-dits employés et compris par les gens sont expurgés du cadastre.

Kevre Breizh déploie alors des arguments culturels, économiques  et politiques et appelle les citoyens à échanger avec leurs élus pour les convaincre de traiter le nommage des rues avec plus de réflexion et plus de connaissances. Il faudrait que les habitants se mobilisent pour leur environnement culturel, dans la ligne d’un jugement de la Cour administrative d’appel de Marseille qui a énoncé que « la dénomination attribuée à une voie ou un édifice public doit être conforme à l’intérêt public local » (Ville de Nice – 12-11-2007).

Il est d’un grand intérêt d’apprendre qu’une association, Chubri (courriel : chubri@chubri.org), étudie les toponymes de la Haute-Bretagne et, surtout qu’elle a mis en ligne, ChubEndret, dont l’accès informatique aux mappeurs serait souhaitable. Mais, comme il n’y a pas, à notre connaissance de code ISO639 pour le gallo, cela empêche la cartographie en gallo.

Il est mentionné l’importante activité de l’Ofis publik ar brezhonek (OPAB) pour la toponymie bretonne, car, il est le conseiller attitré des communes (bien peu encore, hélas) et une bibliographie de base de 10 titres est donnée en fin d’ouvrage.

Pour OpenStreetMap e brezhoneg, ce livret a une approche pédagogique plaisante telle qu’on peut le recommander aux « mappeurs » qui souhaitent renseigner la valeur name:br, tant il est vrai qu’on ne peut toujours le faire « de chic », sauf pour des cas peu nombreux.

Cependant, si nous ne pouvons le faire sans avoir des notions de toponymie bretonne et gallèse, nous partons, presque toujours, des toponymes officiels pour restituer leur forme historique ou recréée.

Un contact avec PeÍre Brechet, son président, a été l’occasion de faire connaissance avec l’Institut d’Estudis Occitans (IEO), dont le siège central est à Toulouse et qui agit depuis 1945 pour le développement d’une grande langue européenne, l’occitan, qui a des archives littéraires et juridiques plus abondantes que celles du breton.

Déployant son action sur 11 000 communes, il a des objectifs similaires à ceux de l’Office public de la langue bretonne/Ofis publik ar brezhoneg, sans avoir de statut public. Ainsi, il conseille les municipalités par la signalisation sur la voirie et pour la restitution des noms de lieu en occitan, ansi qu’ils la définissent.

Une base de 56 000 toponymes http://www.bdtopoc.org a été créée, dont une partie (les noms de commune) est visible par une carte statique basée sur uMap/Leaflet/OpenStreetMap. https://framacarte.org/en/map/toponimia-occitana_1821#7/45.259/4.411.

Cette base pourrait être injectée progressivement dans OpenStreetMap qui serait alors un outil pour le recueil de contributions collaboratives. Une carte dynamique des toponymes occitans, sur le modèle de celle que nous avons construite, serait à créer.

OpenStreetMap e brezhoneg, ainsi que la communauté OSM, devrait donc avoir l’occasion d’interagir avec l’IEO.

Le tag de l’occitan : name:oc

C’est un ouvrage qui doit être lu par toute personne qui s’intéresse aux cartes tout en breton, mais, le britOSMeur n’y trouvera que des considérations sur les toponymes (et les surnoms) léonards sans diversion aucune, tant est fort l’amour que porte le maitre linguiste de Saint-Thonan à sa petite patrie nord-finistérienne.

Ayant appris le breton à l’adolescence et le gallois chez les Gallois, il a eu la chance d’être formé par les meilleurs linguistes et les meilleurs celtisants. Il n’a pas fait carrière à l’Université, mais a soutenu deux thèses de linguistique. il a collecté des contes, des légendes et bien d’autres choses en conversant en breton avec des milliers d’interlocuteurs.

Cela l’autorise, après quelques compliments, à exercer son esprit caustique à l’égard de quelques universitaires brestois, connus et reconnus (B. Tanguy et J.-M. Plonéis), car ils ont eu l’audace d’étudier des toponymes du Léon sans vérification auprès des brittophones locaux (et auprès de lui, sans doute aucun).

Selon notre linguiste (et reconstructeur de talus), l’étude des formes écrites anciennes doit être confortée par une enquête sur la prononciation des brittophones  « de tradition » locaux. Facile , si on a pu apprendre le léonard en LV1 !

Mikael Madeg a publié une partie de ses recherches de terrain portant sur des centaines de milliers de toponymes (existants ou disparus) dans une vingtaine d’ouvrages généralement rédigés en breton, mais il n’a pu anticiper que la cartographie OpenStreetMap pourrait lui être d’un grand secours, car elle s’appuie sur la photo aérienne et le cadastre embarqué. S’il savait combien la collecte et son traitement en sont facilités !

Cependant, il a un grand profit à tirer de ce livre, quand il met en garde contre les confusions et erreurs qui sont le fait, aussi bien des toponymistes du dimanche que des universitaires vissés à leur bureau.

Premier exemple : la graphie officielle, Kerguélen, assez répandue, est généralement comprise comme l’association de Kêr et de kelenn (houx). Mais, dans une petite proportion, on entend Kergwelenn chez les brittophones locaux et les formes écrites Kerguvelen font penser qu’il s’agit d’autre chose.

Deuxième exemple : gwern est souvent réduit à gwer et a fini par donner des formes  en ker. Pas de problème, si c’est la forme employée localement, mais, si le cadastre diverge de la prononciation, c’est celle-ci qui doit être retenue.

Troisième exemple : formes écrites ambivalentes ou fautives. Ty Lan est-il Ti Alan ou Ti (al) lann ? Kamm Hir ou Kan Hir ? Kerezog ou Ar Gerezog ? Le premier ne doit pas être vu comme Kêr + ezog, alors que la seconde forme montre qu’il y avait là une ceriseraie.

En plus des idées personnelles soutenues avec force et brio, l’auteur apporte beaucoup d’informations et de connaissances et il procure deux bibliographies et un lexique toponymique bien informé.

 

Christian Rogel

Mikael Madeg, Les noms de lieux (sic) et de personnes (sic) du Léon, Embann Keredôl, 2010, 234 p. Lexique p. p. 118-129. Bibliogr. ISBN978-2-917520-08-6.